Théâtre Alsacien Strasbourg
 
 

La newsletter du TAS, n°11  

Après un conte de Noël qui a rassemblé petits et grands devant une farandole de couleurs, de musique et d'images féeriques, le TAS, fidèle à sa mission de transmission de notre patrimoine culturel alsacien, propose une pièce historique centrée sur le parcours de Léo Schnug, peintre des fresques du Haut-Koenigsbourg , réalisées au début du XXe siècle à la demande de l'empereur Guillaume II. Sa personnalité torturée, sa proximité avec les artistes Gustave Stoskopf et Charles Spindler et la complexité de la situation politique de l'Alsace annexée forment le terreau idéal d'une pièce où l'on parle avant tout de la force de l'amitié et de la difficulté d'aimer. Au cours de l'interview qu'elle a accepté de nous accorder, Elisabeth Ritter évoque son travail de co-auteure, son attachement pour le personnage de Léo Schnug et son parcours au sein de la troupe.

 

«De Adler un de Leeb»

Pièce historique en 3 actes de Stéphanie SCHAETZLE et Elisabeth RITTER

Mise en scène : Bernard KOLB


 

Le Théâtre Alsacien Strasbourg tient à offrir à son public l’occasion de découvrir, à côté des comédies largement plébiscitées, des pièces d'un autre genre, en programmant, une fois par saison, une comédie dramatique, une intrigue policière ou une pièce historique.

Cette année, le choix du TAS s’est porté sur la création d’une pièce de Stéphanie SCHAETZLE et Elisabeth RITTER : « De Adler un de Leeb ». Elle rend hommage à Léo SCHNUG, un peintre originaire de Lampertheim, au nord de Strasbourg. Il côtoyait dans le cadre du « Kunschthaafe », les artistes Henri LOUX, Charles SPINDLER, ou encore Gustave STOSKOPF, le fondateur, en 1898, du Théâtre Alsacien Strasbourg.

Léo SCHNUG est célèbre notamment pour les fresques qu'il a peintes à la Maison Kammerzell et à l'ancienne pharmacie du Cerf (actuelle Boutique Culture, place de la Cathédrale). Mais son chef-d'oeuvre demeure les peintures qui ornent la salle d'apparat du Haut-Koenigsbourg, réalisées sur commande de l'empereur d'Allemagne Guillaume II après la rénovation du château en 1908. Ce génie de l'illustration, célébré de son vivant, a sombré dans l'oubli après la Première Guerre mondiale, en raison de sa proximité encombrante avec le pouvoir impérial : une bonne raison de le redécouvrir aujourd'hui !

Après sa restauration voulue par l’empereur germanique Guillaume II, le château du Haut-Koenigsbourg, en Alsace, a été inauguré en grandes pompes en 1908. Le jeune peintre alsacien Leo Schnug, originaire de Lampertheim, a été chargé de la réalisation des fresques de plusieurs salles. L’action se déroule en 1911, sur le chantier de la salle d’apparat du château. Le caractère têtu et torturé de Schnug le pousse à braver l'empereur sur un coup de tête qui pourrait lui coûter sa carrière, sa vie peut-être...

 

Les représentations sont données sur la scène de l'Opéra, place Broglie, à Strasbourg. Le spectacle joué en alsacien est entièrement surtitré en français.

 

Représentations :

en soirée, les 14, 15 et 17 mars à 20 h

en matinée, le dimanche 12 mars à 14 h et à 17h30

Les billets sont en vente à la caisse de l'Opéra de Strasbourg, place Broglie,
de 12 h 30 à 18 h 30, à la Boutique Culture,
et directement sur le site du Théâtre Alsacien Strasbourg : webtas.fr 

Renseignements et réservations au 06 33 260 300 ainsi que sur webtas.fr

 


 

 

 

 


 

 



De nejgierig Storich mecht wisse

 

Elle a rejoué en février l'un des rôles principaux de «  Am Storichenescht  », reprise par le TAS sur la scène du PréO d'Oberhausbergen et la voici à l'affiche de « De Adler un de Leeb » : le début d'année a été intense pour Elisabeth Ritter et ses complices ! Malgré ce calendrier chargé, elle a accepté, chez elle, de parler de son travail de comédienne et de co-auteure, avant d'évoquer les liens qui l'unissent au personnage de Léo Schnug et son parcours, dans lequel la famille tient une place importante.

Après t'avoir entendue chanter dans le conte de Noël «  E luschtiger Strohmann  », de ton frère Philippe Ritter, on te retrouve cette fois dans un rôle dramatique.

J'aime varier et changer de registre, ce que j'ai eu la chance de pouvoir faire plus d'une fois. J'ai aimé faire rire dans « 's Weschbelnescht » (« 8 Femmes »), de Christian Royer, et dans «  z'Nachtgesse wurd im Bett  », que j'ai joué deux fois à 13 ans d'intervalle, mais aussi émouvoir, comme dans « Himmel ohne Sterne », de Raymond Weissenburger, ou encore « Enfin... redde m'r nimm devun », de Germain Muller, où j'ai joué le tout petit rôle d'une résistante, mais qui m'a marquée par son intensité dramatique. Je me souviens aussi du Columbo, « E Frau ze viel », de Yannick Hornecker, où Christian Laffert devait m'assassiner dans une scène absolument glaçante. J'ai par ailleurs adoré participer à « D'Hüssare-Hochzittere », ou « D'Hostellerie Zuem Polnische Hof », qui m'ont donné l'occasion de chanter sur scène. L'un des rôles qui m'ont le plus marquée est celui d'Augustine dans « s' Weschbelnescht », mais la pièce n' était pas qu'une comédie, elle avait des moments très noirs. J'ai adoré, parce qu'il m'a demandé beaucoup de composition. J'ai d'ailleurs de la chance qu'on me confie souvent des rôles de composition, grands ou petits. Je me souviens notamment avoir incarné une employée de maison punk dans « Hurrah e Kneckes » : Gilbert Wolf s'en était amusé en disant « Mit dir kenne se alles mache ! ». Ce sont des rôles très stimulants pour une comédienne.

Dans « De Adler un de Leeb », tu joues le rôle de Caroline Schneider, qui fait battre le cœur du peintre alsacien Leo Schnug. Pourquoi était-ce important pour toi de participer à cette pièce ?

Il s'avère que Leo Schnug, qui est connu pour avoir peint les fresques de la Maison Kammerzell et du Haut-Koenigsbourg, au début du XXe siècle, était le cousin de mon arrière-grand-père maternel et le parrain de ma grand-mère maternelle. Il était aussi le « kumbel » de mon arrière-grand-père paternel, qui était le cordonnier de Lampertheim, chez qui il venait s'approvisionner et boire un coup de temps à autre. Son souvenir a toujours été très présent dans ma famille : j'entends parler de lui depuis que je suis toute petite. Les gens évoquaient avec tendresse et fierté la figure de ce peintre génial et tourmenté, mort fou et oublié de tous à l'hôpital de Stephansfeld. Sa tombe, qui est dans le cimetière du village, n'est d'ailleurs pas très loin de celles de nos aïeux. Ma mère, qui elle-même a fait l'école des Arts décoratifs, a peut-être été inspirée par cette parenté lointaine. En tout cas, elle a été de ceux qui ont gardé son souvenir vivant. Ma grand-mère paternelle, de son côté, parlait elle aussi souvent de lui et du souvenir de ses visites chez eux. Jouer dans une pièce dont il est le personnage principal est donc pour moi un plaisir bien particulier, que je suis heureuse de partager avec mon frère Philippe.

Tu es d'ailleurs co-auteure de la pièce...

La pièce a été écrite en français pour le TAS par Stéphanie Schaetzlé, et c'est moi qui l'ai traduite en alsacien. Contrairement à « Am Storichenescht », qui était écrite dans une langue contemporaine, j'ai dû cette fois faire des recherches, parce qu'elle se situe au début du XXe siècle et qu'elle parle de Moyen Age, de politique, d'art. Les passages en allemand ne m'ont pas posé particulièrement de problèmes, parce que c'est une langue que je connais bien, que je pratique et que j'ai étudiée à la fac. La traduction correspond même à mes études, puisque j'ai suivi le cursus de Langues étrangères appliquées mention traduction spécialisée. J'ai été admise à l'Institut de Traduction et d'Interprétariat de Strasbourg, mais je me suis finalement tournée vers une autre branche, puisque je travaille aujourd'hui dans une agence de presse. L'alsacien est ma langue maternelle, celle que je parle avec mes parents, ma sœur et mon frère. Ecrire en alsacien est pour moi du registre de l'intime. Mon plaisir est de trouver le bon mot, la belle tournure, dans une langue riche, exigeante, soutenue, de proposer un autre niveau de langue qu'au quotidien. Ecrire en allemand constitue un autre exercice, puisque ce n'est pas ma langue maternelle : l'alsacien me vient plus naturellement. Je dois bien reconnaître que jouer dans une pièce qu'on a contribué à écrire ajoute un certain degré de trac. Mais ce n'est pas moi qui ai inventé l'histoire, donc je me sens dégagée de cette responsabilité-là. Ce sont bien mes mots en alsacien, mais ce n'est pas moi qui ai imaginé les personnages, les situations ou les dialogues. Cela dit, j'ai quand même assisté à l'écriture de la pièce et j'ai pu ajouter mon grain de sel au fur et à mesure de son élaboration !

Tu participes également à la traduction des pièces en français pour le surtitrage.

Nous avons démarré le surtitrage au TAS en 2007 avec « Enfin... Redde m'r nimm devun ». Pendant quelque temps, nous en avons surtitré deux par an, puis, lorsqu'il a été décidé de toutes les surtitrer, j'ai participé systématiquement à la traduction. L'alsacien est assez imagé, c'est parfois difficile de retranscrire la saveur de certaines expressions, mais c'est justement passionnant de chercher des équivalences, de tenter de conserver leur truculence. Il m'arrive également de participer au sutitrage au moment des représentations. Ça ne remplace évidemment pas le plaisir du jeu, mais c'est intéressant de contribuer autrement à une pièce. J'ai aussi fait un peu de régie de scène : ce qui se passe derrière le rideau, sans que les spectateurs ne le soupçonnent, peut être aussi stressant et exigeant que sur la scène ! Dans un autre registre, Bernard Kolb et Philippe Ritter m'ont proposé d'être la voix de Sternele dans «  's Holzschumännele  », la websérie du TAS, que l'on peut voir sur notre site webtas.fr. C'est un exercice que je trouve très amusant. Enfin, depuis quelques années, je me suis également investie différemment dans la vie de la troupe, puisque je corrige les programmes et les plaquettes et les différents supports de communication que nous distribuons.

Depuis la rentrée, tu fais également partie du Comité de la troupe en qualité de secrétaire adjointe. Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Ma mère dirigeait une chorale pour enfants à Lampertheim. Quand j'avais 12 ans, elle a monté un sketch dans lequel j'ai participé avec d'autres petits camarades. Je ne sais plus si j'ai eu le trac, parce que j'avais l'habitude de chanter devant les autres, mais je me souviens que ça m'a beaucoup plu. Mon père, Albert Ritter, faisait déjà du théâtre à Lampertheim dans les années 50 et 60, tandis que ma mère Lydie, de son côté, peignait les décors. On regardait beaucoup de théâtre allemand à la télé, des pièces avec Willy Millowitsch, Heidi Kabel ou encore Harald Juhnke... Après ce premier sketch, l'Association des Donneurs de sang m'a demandé de jouer avec eux dans une pièce en alsacien l'année suivante. Je me souviens que j'ai donné la réplique à mon grand frère Philippe Ritter, qui interprétait mon fiancé ! Une année, on a joué tous les trois, mon père, mon frère et moi, dans un même sketch : j'en garde un excellent souvenir ! Un jour, le Théâtre du Marché aux grains de Bouxwiller est venu monter une pièce à Lampertheim. Ils ont joué sur une estrade carrée au millieu de la salle, avec les spectateurs tout autour. J'étais assise tout près. Je n'avais jamais vu ça. Je me suis dit « Ça, je veux le faire ! » Je devais avoir 16 ans. Je me souviens avoir demandé un dossier de candidature au TNS, mais je n'ai jamais osé le remplir ! Plus tard, Philippe, qui jouait au TAS, m'a demandé si je voulais rejoindre la troupe, mais ce n'était pas encore le moment. J'y suis entrée à l'âge de 24 ans. A l'époque, il n'y avait pas d'audition tous les ans : j'ai d'abord fait de la figuration dans le conte de Noël. Pour ma première participation j'étais un page d'Yvette Burckel, la mère de Nicole, qui m'a gentiment prise sous son aile. Je me souviens que je devais placer des chaises autour d'une table et que les accessoiristes en avaient ajouté une sans rien me dire : je me suis retrouvée sur scène, avec cette chaise surnuméraire entre les mains, sans savoir quoi en faire... un grand moment de solitude ! J'ai passé l'audition en 1995. Je me souviens que Marcel Spegt et Charlotte Marchal étaient présents et que Pierre Spegt m'a donné la réplique dans un extrait du « Herr Maire ». J'ai été acceptée et Jean-Paul Zimmer m'a donné mon premier vrai rôle : celui d'une grand-mère, que j'incarnais sous un épais maquillage : un rôle de composition, déjà ! A la même époque, Pierre Heintzelmann, qui faisait de la figuration, m'a proposé de rejoindre le Suvela Theater de Souffelweyersheim. J'ai participé à plusieurs saisons, joué, chanté et notamment interprété le sketch « D'Wäschbritsch », de Germain Muller, créé par Dinah Faust, où j'étais seule en scène pendant plus de dix minutes ! C'est aussi là que j'ai fait la connaissance de la toute jeune Maryline Heilig, qui faisait ses premiers pas sur scène. C'était très enrichissant, mais les rôles à Strasbourg devenant de plus en plus fréquents et importants, je n'ai plus pu continuer. Au TAS, j'ai pu suivre une progression régulière et participer de plus en plus à la vie de la troupe. Quand, à la fin de l'année dernière, Marcel Spegt et Charlotte Marchal ont donné leur congé, Pierre a demandé à plusieurs personnes, dont moi, de rejoindre le Comité. J'ai évidemment accepté avec plaisir. Ça me permet de m'investir à un autre niveau, à une période où on peut se poser des questions sur l'avenir de la troupe et du théâtre alsacien en général. Ce n'est pas une période facile. Mais c'est aussi celle où nous nous préparons à fêter les 120 ans du TAS : c'est un moment faste, qui demande beaucoup de travail et d'énergie. Tout ça est très excitant !

Quel est ton souvenir le plus mémorable ?

Sans hésiter, dans « Himmel ohne Sterne », montée en 2002, la mort, sur le champ de bataille du front russe, de Raphaël Acker, qui interprétait mon mari. Tous les soirs, depuis les coulisses, j'ai regardé cette scène saisissante avec des larmes pleins les yeux. C'était une pièce vraiment bouleversante !

Pour finir, peux-tu nous parler de ton lieu préféré à Strasbourg ?

C'est la ville dans laquelle j'ai fait mes études, sur le campus de l'Esplanade. J'ai vécu un certain temps à Neudorf et j'ai travaillé quelques années place du Temple-Neuf. Je sais que j'aime bien les quais des Pêcheurs et des Bateliers, mais, dans le fond, je suis et je reste beaucoup plus attachée à mon village de Lampertheim, dans lequel je suis retournée vivre depuis une vingtaine d'années.

 

Propos recueillis par S. Schaetzlé.

 

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