Théâtre Alsacien Strasbourg
 
 

La newsletter du TAS, n°17

Après avoir fait la part belle à la comédie avec «Eini noch de Ander», qui a permis à un public venu en nombre de se détendre en ce début d'année, le TAS a souhaité, dans la programmation exceptionnelle de son 120 e anniversaire, laisser une place au drame, un genre assez peu monté sur notre scène. En choisissant de traduire en alsacien la pièce «Le Journal d'Anne Frank», d'Eric-Emmanuel Schmitt, avec la permission du Fonds Anne Frank de Bâle, Pierre Spegt a voulu mettre en lumière cette page sombre de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, qui a vu la haine et la destruction ravager l'Europe, mais qui a aussi permis de découvrir la profonde humanité de celles et ceux qui se sont battus contre l'injustice. Avec beaucoup de sensibilité, de profondeur, et même parfois d'humour, «De Journal vun de Anne Frank» nous invite à (re)découvrir la personnalité attachante d'Anne Frank et le témoignage bouleversant qu'elle a livré sur son destin tragique. Maryline Heilig évoque pour nous l'aventure de cette pièce hors du commun.

 

 

«De Journal vun de Anne Frank»

Une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt

d’après Le Journal d’Anne Frank, avec la permission du Fonds Anne Frank (Bâle)

Traduction et mise en scène de Pierre Spegt

 

 

Le Théâtre Alsacien Strasbourg poursuit sa saison théâtrale avec la pièce « De Journal vun de Anne Frank », avec la permission du Fonds Anne Frank (Bâle). Il s'agit d'une création de 2012, d'Eric-Emmanuel Schmitt, qui a écrit la pièce de théâtre dans le respect du texte original « Le Journal d'Anne Frank » mais en prenant le point de vue d'Otto, le père d'Anne Frank. Pierre Spegt a traduit la pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt en alsacien, et signe la mise en scène sur les planches du TAS. Son souhait est de partager avec le public les émotions et la grande profondeur d'un texte qui met en lumière la tragédie vécue par la famille, avec l'éclairage tout particulier de la relation entre le père, Otto, et Anne, sa fille.

En 1945, Otto Frank, rescapé du camp d’Auschwitz, est de retour à Amsterdam. Quand il comprend que ses deux filles, Anne et Margot, qu’il attend tous les jours à la gare, ne reviendront pas de déportation, il ouvre pour la première fois le journal de sa cadette, Anne, précieusement conservé par Miep, son ancienne employée. Cette dernière avait aidé Otto à cacher sa famille durant la guerre. Au fil des pages, dans un va-et-vient émouvant entre le passé et le présent, il redécouvre la personnalité solaire et brillante de sa fille, qui brosse avec maturité et sensibilité la chronique de leur vie recluse. Comme par magie, le contact entre le père et sa fille semble se renouer au fil d’un dialogue pudique et bouleversant.

Sous la direction de Pierre Spegt, Maryline Heilig joue le rôle d'Anne Frank, Philippe Ritter et Andrée Blum, son père et sa mère, Bénédicte Keck interprète le rôle de Margot, la sœur d'Anne. Elisabeth Ritter, Fabienne Scharwatt, Julien Henni, José Montanari et Julien Riehl complètent la distribution.

 

Les représentations sont données sur la scène de l'Opéra, place Broglie, à Strasbourg. Le spectacle joué en alsacien est entièrement surtitré en français.

 

Représentations :

en soirée, les 22, 23 et 24 février à 20 h

en matinée, le dimanche 25 février, à 14h et 17h30

 

Les billets sont en vente à la caisse de l'Opéra de Strasbourg, place Broglie, de 12 h 30 à 18 h 30, à la Boutique Culture, et directement sur le site du Théâtre Alsacien Strasbourg : webtas.fr 

 

Renseignements et réservations
au 06 33 260 300, de 9h à 12h et de 14h à 18h
ainsi que sur
webtas.fr

 

 

Distribution :


Otto Frank : Philippe Ritter

Anne Frank : Maryline Heilig

Margot Frank : Bénédicte Keck

Edith Frank : Andrée Blum

Miep Gies : Elisabeth Ritter

Augusta Van Pels : Fabienne Scharwatt

Hermann Van Pels : José Montanari

Peter Van Pels : Julien Henni

Fritz Pfeffer : Julien Riehl

 

 

 


 

De nejgierig Storich mecht wisse

 

Malgré la nuit tombante, Maryline Heilig entre comme un rayon de soleil dans la brasserie où nous nous sommes donné rendez-vous. C'est une jeune femme résolument chaleureuse, souriante et passionnée par son travail de comédienne, qu'elle aborde avec beaucoup de sérieux et une grande humilité. Maryline ponctue notre entretien de grands éclats de rire, comme pour tenir à distance la gravité et l'exigence du rôle qu'elle incarnera dans quelques jours.

Dans « De Journal vun de Anne Frank », tu interprètes le rôle-titre. Comment est-ce que tu te prépares pour incarner ce personnage ?

J'ai fait beaucoup de recherches pour ce rôle. J'ai regardé des documentaires, des photos, des pièces, des films... J'ai aussi relu quelques passages du « Journal », que j'avais étudié au collège. A vrai dire, j'ai toujours été intéressée par la Seconde Guerre mondiale. Mon papy, originaire de Hoenheim, m'a beaucoup sensibilisée à son histoire en évoquant ses souvenirs de petit garçon avec moi. Il m'a aussi beaucoup parlé de la guerre d'Algérie et j'ai grandi dans l'idée que la guerre était une absurdité. Quand j'ai su que je jouerai le rôle d'Anne, je me suis véritablement imprégnée de son histoire. J'y pense jour et nuit et il m'est arrivé de le réveiller en pleurs, bouleversée par le sort que les nazis ont réservé aux juifs.

 

Le fait que ce soit une histoire vraie, c'est une pression supplémentaire ?

Oui, clairement. Cette fois, il ne s'agit pas d'une fiction. Anne était une jeune fille dotée d'un caractère fort. Elle était espiègle, directe. Elle n'était jamais dans la plainte. J'aimerais pouvoir faire revivre cette partie d'elle. Je voudrais que le public perçoive cette force et cette énergie, et qu'il apprécie la justesse de ce que nous allons lui montrer. Je ressens fortement cette exigence de justesse lors de nos répétitions, qui sont très intenses et pleines d'émotion. Il y a des passages très lourds, très prenants, mais aussi des moments plus légers, grâce à certains personnages un peu loufoques qui permettent d'apporter de l'air dans cette histoire tragique. En 2007, dans « Gräfin Mathilde », j'ai déjà joué un personnage ayant existé, avec Andrée Blum en double rôle. C'était une histoire en demi-teinte, très émouvante. Dans « De Journal vun de Anne Frank », il faut que je prenne sur moi pour ne pas me laisser submerger par l'émotion. Pour y arriver, j'essaie de m'appuyer sur la force de caractère d'Anne, qui a affronté son destin avec détermination.

 

Tu as fait tes débuts au Suvela Theater de Souffelweyersheim : qu'est-ce qui t'a décidée à faire du théâtre ? Et du théâtre alsacien en particulier ?

A l'école primaire, je me souviens avoir interprété avec énormément de plaisir les petits sketches en allemand de la méthode « Grenzenlos », avec Jan, Petra et le Meerschweinchen. Mais c'est au collège que je me suis vraiment prise au jeu. Avec le club théâtre, j'ai interprété des extraits du « Bourgeois gentilhomme » et du « Malade imaginaire ». Ma mère m'a annoncé un jour qu'un de ses collègues cherchait une comédienne pour dire deux ou trois répliques en alsacien sur la scène du Suvela Theater de Souffelweyersheim. Au début, la perspective ne m'a pas beaucoup enthousiasmée : bien que l'alsacien soit ma langue maternelle, à 16 ans, je ne le parlais presque plus ! Heureusement, ma mère a insisté ! Je n'ai pas gardé un souvenir brillant de mes premiers pas : dès la première représentation, j'ai eu un trou sur scène ! Mais dès la saison suivante, on m'a confié un nouveau rôle, un peu plus important. J'ai participé à deux saisons du Suvela : à 17 ans et à 19 ans, celle de mes 18 ans ayant été accaparée par le bac. Je faisais aussi partie de la troupe de danse folklorique des Kochloeffel, avec notamment Thibaut Welchlin, qui était aussi acteur et scénographe au TAS. C'est lui qui m'a proposé de tenter ma chance à Strasbourg. Je me souviens que j'ai passé une audition avec Pierre Spegt au cours de laquelle je n'ai vraiment pas été fameuse ! A la fin, il m'a regardée avec gentillesse et m'a dit « Ça fera l'affaire pour cette pièce ». C'était « D'Millionepartie », de Gustave Stoskopf, en novembre 2004, et j'avais une trentaine de répliques. Charlotte Marchal m'a aidée à travailler mon texte l'une ou l'autre fois. Elle était très élégante et passionnée. Elle m'a montré les photos de sa carrière et m'a longuement parlé de l'âme de la troupe. J'étais très impressionnée. Lors des toutes premières répétitions, j'étais tendue. Je m'en rendais d'autant plus compte que je jouais avec Julien Henni, qui est toujours très à l'aise et sûr de lui. En plus, je devais l'embrasser, ce qui n'était pas facile pour moi. Bref, je ne me sentais pas vraiment à la hauteur. Mais lors de la première de la pièce, Pierre m'a tout de suite demandé ce que je faisais en février de l'année suivante. Il m'a confié l'un des huit personnages féminins de « 's Weschbelnescht ». Et en décembre suivant, j'ai eu le rôle principal dans le conte « 's arm Baronessel », puis en janvier 2007 celui de « Gräfin Mathilde ». C'est fantastique que les metteurs en scène m'aient tout de suite fait

une telle confiance, parce que je n'avais pour ainsi dire pas d'expérience. Les règles de la troupe, basées notamment sur la ponctualité, le travail et la rigueur, m'ont beaucoup responsabilisée et formée dans ma vie personnelle : c'est une sacrée école ! Nous sommes nombreux à le dire, mais on finit, à certaines périodes de l'année, par passer plus de temps avec les gens de la troupe qu'avec nos propres familles. Dans les moments intenses qu'on partage lors des répétitions ou sur scène, on tisse des liens très forts. Quand une pièce se termine, c'est toujours un peu difficile. Notre investissement est exigeant, chaque pièce est répétée entre 15 et 17 fois et interprétée cinq fois : ça nous oblige à investir chaque instant à fond et à prendre conscience de chaque moment et de la qualité de ce qu'on échange. Depuis quelque temps, je préfère jouer moins souvent pour pouvoir être pleinement à la hauteur des rôles qu'on me confie. C'est mon exigence à moi.

 

Le patrimoine alsacien, c'est important, pour toi ? Quel est ton rapport à la langue ?

Quand j'avais 8 ans, ma meilleure amie faisait de la danse dans la troupe des Kochloeffel et je l'ai suivie. Au cours de nos répétitions, deux fois par semaine, on a vite formé un petit groupe d'ados. On dansait dans des festivals à travers toute la France. Mais je ne me suis pas tout de suite rendu compte de l'aspect patrimonial de cette activité. Lors de certains spectacles, Marie-Louise Hemmerlé, qui était responsable de la troupe, me faisait réciter des poèmes de Raymond Matzen ou chanter des chansons de René Egles. C'est en voyant ça que Thibaut a pensé à moi pour le TAS. Mon identité alsacienne s'est véritablement forgée quand je suis entrée au lycée. C'était un établissement très multiculturel, avec des groupes aux identités fortement revendiquées. C'est là que je pense m'être sentie véritablement alsacienne. Quand je me suis présentée au concours de l'Education nationale, j'ai choisi de soutenir un dossier sur le thème de l'annexion de l'Alsace à l'Empire allemand en présentant un tableau de 1870 avec une Alsacienne et la cathédrale. L'objectif étant de travailler les identités et la notion d'emblème. Pour moi, c'est le moment où tout s'est posé et a pris sens. Je suis persuadée de l'importance de cultiver tout ça. Je parle alsacien à ma fille Charline et j'insiste pour que ses grands-parents le fassent. Je suis aussi fière de posséder un costume alsacien.

 

Que t'inspirent les 120 ans du TAS que nous fêtons cette année ?

Je me dis souvent que c'est très important de faire vivre l'âme de cette « vieille dame » qu'est le TAS en la renouvelant sans cesse. Nous sommes les héritiers d'une belle histoire, d'un vécu incroyable. Je suis extrêmement fière de faire partie de cette troupe. Pourtant, j'ai souvent peur pour notre avenir sur scène : je sais que beaucoup de nos nouveaux spectateurs lisent le texte du surtitrage. Combien de temps encore pourrons-nous jouer dans notre langue sur scène ?

 

Quel est ton souvenir le plus mémorable au TAS ?

Mes souvenirs les plus mémorables, c'est quand j'oublie mes répliques ! Au TAS, ça m'est arrivé deux fois en 12 ans. La première, c'est quand je suis arrivée en retard au théâtre après un malentendu sur l'horaire de début d'une pièce. J'ai eu dix minutes pour me maquiller, me coiffer et passer mon costume ! Je suis arrivée sur scène en étant tellement énervée que le trou était presque inévitable. J'étais dans un tel désarroi que mes larmes se sont mises à couler. Andrée Blum, qui jouait ma mère, m'a alors tendrement prise dans ses bras, de façon assez naturelle, et m'a soufflé mon texte. Et le public, qui a, malgré sa discrétion, suivi ce qui se passait, a applaudi ! J'ai été très touchée par cette réaction ! La deuxième fois, c'était dans une autre pièce, dans une scène avec Philippe Ritter. Cette fois je jouais une veuve éplorée. Heureusement, parce que cette fois, mes vraies larmes sont passées inaperçues au milieu des sanglots de théâtre de mon personnage ! Mais je crois que mon souvenir le plus mémorable reste en réalité celui de la fin d'une représentation de « Gräfin Mathilde » : nous avions fait salle comble et, au rideau, le public applaudissait tellement fort que ça m'a bouleversée. Dans la lumière des projecteurs, je voyais tourbillonner les lustres et les anges en stuc : un grand moment !

 

Pour finir, quel est ton lieu préféré à Strasbourg ?

Je dirais la place de la République. Je trouve que c'est un joli petit parc, bordé par l'Opéra, le TNS, la bibliothèque, la préfecture et le Palais du Rhin. J'y ai passé beaucoup de temps à réviser et à déjeuner sur le pouce par beau temps. C'est un endroit de calme au milieu de la ville où j'ai toujours aimé faire des pauses.

Propos recueillis par Stéphanie Schaetzlé

 

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