Théâtre Alsacien Strasbourg
 
 

La newsletter du TAS, Hors-Série N°5

Comme tous les ans, l'été ne laisse que peu de répit aux membres de la troupe. Après avoir fait le bilan de la saison écoulée, il faut évidemment ranger et inventorier décors et accessoires, alors que la nouvelle saison réclame déjà toute l'attention. Les metteurs en scène planchent sur leurs productions en collaboration avec les équipes techniques, les traducteurs peaufinent le surtitrage et tous ont à l'esprit l'aspect exceptionnel de ce 120e anniversaire qui nous oblige à offrir au public le meilleur de notre art.

Comme tous les ans, vous pourrez nous rencontrer sur notre stand à la Foire européenne, qui se tient cette année du 1er au 11 septembre. Vous trouverez les détails à la fin de cette lettre d'information.

En prélude aux événements de ce 120e anniversaire que nous sommes fiers de partager avec vous, nous avons voulu rendre hommage à une comédienne qui a brillé durant plus de 50 ans sur la scène du TAS, tout en menant de front une carrière honorable à la télévision : Jeanne Schlagdenhauffen.

Bonne lecture et bon été.  

 

De la scène à l'écran :
Jeanne Schlagdenhauffen

A 95 ans, Jeanne Schlagdenhauffen est membre d'honneur du TAS, après une carrière bien remplie sur les planches. Elle nous accueille dans sa grande maison du début de la route de Schirmeck, qu'elle partage avec sa fille Béatrice, surtitreuse attitrée du TAS, son fils Dominique, Feodora et Vérone, ses deux colleys placides, et le chat qui aime se coucher en travers des albums photo ouverts sur la grande table. Dehors, les hibiscus syracus déploient leurs fleurs colorées. Dans son salon, entourée de livres, elle commence l'entretien dans le beau français de ceux qui ont été à l'école française dans les années 20, avant de laisser l'alsacien reprendre ses droits et d'égrener le chapelet de ses souvenirs. Assise en retrait, attentive, sa fille Béatrice, complice et bienveillante, se penche parfois pour préciser avec elle une date, un nom. Vive et passionnée, Jeanne est heureuse d'évoquer avec nous son long parcours.

Ma carrière a débuté en 1942. A l'époque, mon mari Robert était chanteur d'opérette dans une troupe de Lingolsheim et j'ai commencé à participer moi aussi à leurs productions, en incarnant des rôles qui n'exigeaient pas de savoir chanter. J'ai enchaîné les pièces pendant dix ans. J'avais déjà deux enfants et ma fille aînée, Gabrielle, a rapidement été piquée elle aussi par la scène et s'est mise à jouer à nos côtés.

C'est Lucie Mathis-Schlegel, comédienne du TAS, qui était également membre du comité, qui m'a recrutée, en 1951, comme elle l'avait fait avec Marcel Spegt quelques années auparavant. Eugène Staentz, qui était alors vice-président du TAS, m'a auditionnée. A Lingolsheim, onm'a sommée de choisir entre les deux troupes. J'ai opté pour Strasbourg et bien m'en a pris, parce que la troupe de Lingolsheim a mis laclé sous la porte à peine trois ans après mon départ. Au TAS, j'ai joué tous les rôles : jeune fille, puis fille jeune, jeune femme, puis femmejeune, etc. Plus tard, j'ai été abonnée aux rôles de sorcières dans les contes de Noël, mais j'ai aussi joué des fées ! J'ai joué le jour de l'enterrement de ma mère et de mon père. On était comme une grande famille. J'ai de beaux souvenirs de madame Heidt, notre coiffeuse, qui fabriquait nos perruques elle-même. A mes débuts, on n'était pas très nombreux. D'ailleurs le public n'était pas très nombreux non plus. Mes derniers rôles ont été dans « D'Affär mit de rosarote Veste », dans une mise en scène de Marcel Spegt, en 2000, et « Himmel ohne Sterne », sous la direction de Pierre Spegt en 2002. J'avais 80 ans.

Comme les rôles s'étaient faits rares au TAS, Paul Klipfel, qui était alors président du Théâtre alsacien de Schiltigheim, m'a proposé de les rejoindre, car ils manquaient de comédiennes. J'y ai joué encore 10 ans. J'ai même été sur scène avec ma béquille avant mon opération de la hanche ! J'ai tiré ma révérence à l'âge de 91 ans, avec une série de sketches de Gaston Goetz donnée au Cheval Blanc, à Schiltigheim. Mais c'était dur, parce que je ne vois plus. C'était donc très difficile d'apprendre mon texte. Sans l'aide de ma fille Béatrice, je n'aurais pas pu le faire.

Au TAS aussi, le théâtre a été une histoire de famille : mon mari Robert y a fait de la régie de scène et il est également monté sur les planches, mais assez peu : pendant la guerre, il a passé 18 mois à Tambov et il est revenu avec une grave affection pulmonaire qui l'a beaucoup affaibli et qui a mis un coup d'arrêt définitif à sa carrière de chanteur. Ma fille Gabrielle m'a suivie elle aussi sur la scène du TAS, tout comme, plus tard, ma fille Béatrice, qui a fait de la figuration. Et deux de nos chiens sont également montés sur scène et se sont révélés particulièrement sages et faciles à diriger ! Mais je n'ai pas fait que jouer : il m'est aussi arrivé de souffler de temps en temps. J'en garde d'ailleurs des souvenirs assez drôles. Eugène Criqui, qui était devenu un peu sourd sur le tard et qui ne m'entendait pas souffler assez fort, se penchait vers le trou du souffleur en disant « Hein ? » d'un air désemparé, ce qui provoquait l'hilarité du public. Christian Royer, quant à lui, a fini par me demander carrément en m'entendant pester : « Mais qu'est-ce qu'il y a, pourquoi tu t'énerves ? ». Ce n'était simplement pas à lui de rentrer sur scène ! J'ai aussi fait beaucoup d'animations. J'ai d'abord animé pendant cinq ans le spectacle pour les retraités de l'Electricité de Strasbourg avec Robert Fuger, avant de jouer tous les mois dans des maisons de retraite, en français et en alsacien, avec la complicité de José Montanari, qui était alors débutant au TAS. Ça lui a bien mis le pied à l'étrier et lui a permis de progresser très vite. Et puis ça m'a donné la possibilité de faire un peu de mise en scène, ce qui m'aurait bien plu à plus grande échelle, je pense...

 


J'avais débuté ma carrière professionnelle en tant que secrétaire d'architecte, avant de travailler à l'Etat-major des armées. On m'a proposé une affectation à Landau, mais j'ai refusé : j'étais mariée et j'avais deux enfants. Du coup, j'en ai eu deux de plus et j'ai cessé de travailler. C'est alors que j'ai commencé à jouer dans des films. J'ai tourné quatre films pour la télévision. C'était vraiment excitant, un tout autre univers. J'ai même été amenée à côtoyer Jean Marais et Jane Fonda ! Mais je garde surtout un excellent souvenir de Mario Adorf, avec qui j'ai joué dans « Les Tilleuls de Lautenbach ». C'était un homme accessible et chaleureux. Et Louis Velle, qui était alsacien, était lui aussi un homme très agréable, que j'ai rencontré sur le tournage du « Mari de l'ambassadeur » et que j'ai recroisé plusieurs fois par la suite. Cette partie de ma carrière m'a spécialement marquée. Je suis fière que ça m'ait rapporté de l'argent. D'ailleurs j'en perçois encore un peu quand les films dans lesquels j'ai joué sont rediffusés. J'ai de beaux souvenirs. C'était vraiment une belle aventure. Je me souviens que dans « Les Tilleuls de Lautenbach », j'ai fait une cascade moi-même. Mes vêtements devaient prendre feu. On m'avait protégée avec de l'amiante et ensuite, je devais sauter dans l'eau hors cadre pour éteindre le tout. Evidemment, ça n'a pas été réglé en une prise et j'ai dû recommencer plusieurs fois ! Je me souviens aussi que dans « Le Mari de l'ambassadeur », le garçon avec qui je devais jouer avait du mal à retenir son texte, ce qui a provoqué un nombre incroyable de prises ! J'ai aussi fait des voix en postsynchronisation à Baden-Baden. J'aurais pu faire une belle carrière au cinéma, j'étais inscrite comme intermittente, mais c'était trop prenant et assez peu compatible avec ma vie de famille. J'estime que j'ai de la chance d'avoir pu le faire : je me souviens avoir côtoyé sur scène Michèle Huber, la sœur de notre regrettée Mylène Huber, qui n'a pu jouer que jusqu'à son mariage : son mari lui a demandé d'arrêter. Yvette Burckel, quant à elle, a pu faire une belle carrière au théâtre, parce que son mari, Roger, jouait lui aussi sur la scène du TAS !

A côté du théâtre et des films, la politique est un autre des aspects essentiels de ma vie. Il s'avère que j'ai fait l'école Pigier avec André Bord, qui était un bon camarade. Je l'ai retrouvé quand il est revenu de la guerre. Quand il a démarré sa carrière politique et qu'il a eu besoin de moi, j'étais là. En 1981, j'ai adhéré au RPR. Je me suis beaucoup engagée au sein du parti. Avec ma fille Béatrice, nous sommes même devenues secrétaires départementales. Je suis d'une génération où il était normal de s'engager politiquement. Je suis toujours indignée et je suis l'actualité politique avec beaucoup d'intérêt.

 

Les 120 ans du TAS me rappellent d'autres jubilés de la troupe. Lors des festivités des 60 ans, Georges Baumann m'a remis un de ses livres de poésies dont la dédicace disait « Je vous souhaite de toujours monter sans jamais redescendre ». A vrai dire, ce nouveau jubilé m'évoque surtout le souvenir de tous ces gens que j'ai connus et qui ont disparu. J'ai tellement souvent joué avec François Antoni, par exemple... Il avait 15 ans de moins que moi, mais nous étions très souvent mari et femme sur scène et personne ne se rendait compte de notre différence d'âge. Je me souviens aussi avec émotion de Mylène Huber, qui vient de nous quitter et qui à une époque jouait beaucoup avant de devenir régisseuse. On va avoir du mal à la remplacer, elle était tellement dévouée au théâtre !

J'espère que le TAS va durer encore longtemps.

Le théâtre c'est toute ma vie. J'ai commencé à 20 ans et j'ai joué jusqu'à la fin, jusqu'à ce que mon corps me lâche. C'est dur, parce que l'envie est toujours là.

Après tout je ne suis pas encore gaga !

 

Propos recueillis par Stéphanie Schaetzlé et Elisabeth Ritter.


 

Retrouvez le TAS à la Foire européenne

Comme tous les ans, le TAS est présent à la Foire européenne de Strasbourg, qui se tient du 1er au 11 septembre. Sur notre stand, vous pouvez découvrir le détail de la nouvelle saison, souscrire de nouveaux abonnements et acheter nos fameux chèques-cadeaux qui vous permettent d'offrir aux personnes de votre choix des places pour l'ensemble de nos représentations. C'est surtout un moment privilégié pour rencontrer les acteurs et membres de la troupe et échanger avec eux vos remarques et impressions.

 


Rendez-vous dans le Hall 5

(Artisanat d'Alsace – Déco – Cadeaux – Institutionnels – Concours Lépine).

Le stand du TAS se trouve à la place I 03.

Nous avons hâte de vous y rencontrer.

 

Infos pratiques :

Trams B et E, station Wacken.

La Foire est ouverte tous les jours de 10h à 20h et jusqu'à 22h les 2, 7 et 9 septembre.

Plein tarif : 7 euros.

Tarif réduit : 5,50 euros.

Billets achetés à l'avance sur le site Internet de la Foire : 5 euros.

Gratuit pour les moins de 12 ans.

Gratuit à partir de 18h tous les jours.

Gratuit pour les femmes le 5 septembre.

Tarif unique à 5 euros le 11 septembre.

Entrées à 5,50 euros sur présentation de la carte Badgéo ou d'un ticket de bus/tram validé le jour même. Sur présentation d'un ticket de parking Relai-tram du jour, l'entrée est à 5,50 euros pour tous les passages de la voiture (dans la limite de 5 personnes).

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